Prêt de logiciels libres dans les bibliothèques publiques

Pourquoi des logiciels libres en bibliothèque ?

La mission des bibliothèques, comme nous la comprenons, est de mettre à la disposition du public des documents lui permettant de s'instruire, de s'informer et de se divertir. Assimilant les évolutions techniques de leur époque, les bibliothèques ont proposé d'autres formes de support que le livre lorsque cela s'est avéré adéquat. Des textes ont ainsi été disponibles sur cassette puis sur CD, et dans le cas particulier des méthodes de langues, des CD-ROM sont venus naturellement les rejoindre sur les étagères.

Les logiciels peuvent constituer un excellent moyen pour les bibliothèques publiques de remplir leurs missions, en phase avec la place que prennent désormais dans la vie de chacun l'informatique et les médias sous forme numérique. Si elles n'en proposent à l'heure actuelle que de façon marginale, cela est sans doute dû aux limitations légales qui encadrent la plupart des logiciels. Les logiciels libres, de par le cadre légal spécifique qu'ils instaurent, n'imposent pas ces entraves à leur distribution et offrent donc aux bibliothèques publiques de nouvelles opportunités. Pour ces logiciels, une bibliothèque n'a pas à acheter de licence spécifique (pour le prêt ou pour la consultation sur place) : la licence lui est automatiquement et gratuitement accordée tant qu'elle en respecte les termes. De plus, le prêt de logiciels dans ces conditions ne risque plus d'être vu comme une incitation à la copie illégale puisque la copie de logiciels libres est totalement licite. On peut même considérer que le prêt de logiciels libres contribuerait à réduire la copie illégale puisqu'une personne disposant légalement d'un logiciel répondant à certains de ses besoins sera moins tentée d'acquérir illégalement un logiciel répondant aux mêmes besoins.

Précisions sur les logiciels libres

Un logiciel libre est un logiciel dont les auteurs ont souhaité accorder à ses utilisateurs la possibilité de l'utiliser, de l'analyser, de le modifier, de le copier et de le redistribuer librement. Dans la pratique, la très grande majorité des logiciels libres sont disponibles gratuitement sur Internet, mais les logiciels libres sont bien plus que des logiciels gratuits. Il ne s'agit en effet pas de versions limitées dans le temps ou en fonctionnalités, mais bien de logiciels à part entière, dont certains surclassent en qualité leurs équivalents propriétaires (on qualifie de propriétaire un logiciel qui n'est pas libre).

Parce qu'ils sont librement modifiables, les logiciels libres sont souvent développés selon un mode collaboratif par différentes entités indépendantes (entreprises, administrations ou particuliers). On peut ainsi obtenir à la fois des projets de très grande envergure (par exemple, le système d'exploitation GNU/Linux est constitué exclusivement de composants libres) et des projets plus pérennes puisque la défection d'un des acteurs n'entraîne pas automatiquement l'arrêt du projet.

Modalités de mise en œuvre

Les expériences réussies de prêt de logiciels libres dans les bibliothèques publiques (en Écosse, cela a pu se réaliser dans 415 des 507 bibliothèques publiques) nous ont convaincus que l'adéquation que nous voyons entre ces deux éléments avait une certaine réalité, mais elles ont surtout souligné que la clé de leur succès résidait, pour les promoteurs des logiciels libres, dans la compréhension des contraintes des bibliothèques en général et de chaque établissement en particulier. Le mode opératoire doit donc être celui de l'échange. Comme point de départ de cet échange, voici une liste de questions qui nous semblent devoir être prises en compte.

Garanties sur le contenu

Les bibliothèques ont besoin de garanties sur les documents qu'elles distribuent, sur le contenu d'abord, mais dans le cas de supports informatiques également sur l'absence de risques techniques (virus, etc.). Les associations de promotion du logiciel libre peuvent apporter aux bibliothèques leur assistance technique afin que celles-ci s'assurent de la conformité du contenu selon leurs critères de sélection. Pour s'assurer de l'absence de risques techniques, il est possible de se procurer les CD-ROM auprès de boutiques en ligne dignes de confiance (Ikarios.com, par exemple) : il existe ensuite des procédés techniques (calcul de sommes de contrôle MD5) indiquant si le contenu du CD-ROM que l'on a entre les mains est exactement similaire à celui proposé par le site Web officiel. Enfin nous sommes prêts à étudier toute autre procédure de validation technique que les bibliothèques jugeraient appropriée.

Le conditionnement

D'un point de vue pratique, il est important de s'assurer que le maniement des logiciels soit le plus aisé possible par les bibliothécaires. D'après les retours d'expérience dont nous disposons, l'utilisation de boîtiers de DVD en plastique mou présente de nombreux avantages : ils ne se fendent ni ne se brisent facilement, ils ont un format comparable à celui d'un livre. Les associations de promotion du logiciel libre peuvent se charger de réaliser des jaquettes au format adéquat, portant les éléments graphiques officiels des projets concernés pour une identification aisée et des textes explicatifs sur le contenu.

Problèmes d'obsolescence

Les logiciels, et en particulier les logiciels libres, évoluant rapidement, il est important de tenir les CD-ROM proposés à jour (c'est-à-dire un renouvellement des CD-ROM à une fréquence de l'ordre de six mois à un an). À cet égard, les logiciels libres présentent l'avantage de pouvoir être mis à jour pour le seul coût du support physique. Les associations de promotion du logiciel libre sont tout à fait disponibles pour signaler aux bibliothèques la parution de nouvelles versions des CD-ROM qu'elles proposeraient.

Approche pédagogique

Les CD-ROM proposés sont tous traduits en français et disposent d'assistants d'installation ou de tutoriels facilitent la prise en main des logiciels même par les néophytes. Un livret sur le fonctionnement des logiciels libres permettrait de faire comprendre ce mode de partage.

Quels logiciels proposer ?

• Des compilations de logiciels libres pour système d'exploitation Windows® ou Mac OS, qui rassemblent sur un même CD-ROM toutes les applications nécessaires pour constituer un poste de travail de base : suite bureautique, navigateur Web, client de messagerie, programme de retouche de photo, logiciels éducatifs, etc.
• Des versions de Linux « Live » : il s'agit de CD-ROM permettant d'utiliser un environnement Linux complet sans rien installer sur le disque dur de l'utilisateur. Ils servent à découvrir le système d'exploitation Linux en toute simplicité et en toute sécurité, et donc d'utiliser certaines applications uniquement disponibles pour ce systèmes, mais aussi à effectuer des opérations de récupération sur un système Windows® endommagé.
• Des versions de Linux adaptées aux utilisateurs débutants ou venant d'autres environnements (Windows®, Mac OS®)

Questions fréquentes :

• Pourquoi proposer en bibliothèque des logiciels déjà librement disponibles sur Internet ? Nous pensons que les bibliothèques ne se contentent pas de mettre des documents à disposition du public, mais qu'elles ont également un rôle d'orientation et de conseil. Les informations sur les logiciels libres sont pour l'instant encore trop cantonnées à des sites spécialisés sur le sujet, et comment les gens pourraient-ils aller chercher sur Internet des logiciels dont ils ne connaissent même pas l'existence ? Il faut également considérer que les personnes possédant un ordinateur ne disposent pas toujours d'une connexion Internet haut-débit et que, notamment pour les personnes les moins à l'aise techniquement, il est plus simple de venir emprunter un CD-ROM que d'avoir à le télécharger et à le graver soi-même.
• Pourquoi proposer des logiciels dans une bibliothèque qui n'est pas spécialisée en informatique ? L'informatique n'est plus, depuis plusieurs années déjà, réservée aux informaticiens et fait partie du quotidien de la plupart d'entre nous. Les logiciels proposés peuvent pour la plupart être considérés comme des « usuels », qui permettent de réaliser des tâches utiles pour la très grande majorité des utilisateurs.