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Association Francophone des Utilisateurs de Logiciels Libres

French speaking Libre Software Users' Association

Promouvoir les logiciels libres ainsi que l'utilisation de standards ouverts.

Les différents modèles économiques

Classement et explication des différents modèles économiques ou modèles d'affaires utilisés par les logiciels libres

Alors que le retour sur investissement pour un éditeur de logiciel propriétaire repose sur la vente de licences, la libre diffusion des logiciels libres ne permet pas d'utiliser ce procédé. Les théoriciens économiques formalisent cette situation ainsi : La création de logiciels libres optimise la création de valeur mais interdit la captation de cette valeur par l'éditeur du logiciel. Aussi cette singularité contraint-elle les éditeurs de logiciels libres à devoir utiliser d'autres mécanismes de production de richesses, que ce dossier s'efforce de repérer.

Nous présentons ci-dessous les différentes manières, recensées à ce jour, de générer des profits à partir des logiciels libres.

Les acteurs économiques des logiciels libres optent en général pour une combinaison entre ces différentes possibilités. Les proportions de ces différents apports varient avec le temps et avec la conjoncture. Ainsi un panachage de différentes activités offre une plus grande sécurité et stabilité pour les acteurs économiques. On notera enfin que certaines formes d'activité économique peuvent devenir plus ou moins rentables et que de nouvelles formes d'activité économique peuvent aussi apparaître sur le terreau fertile qu'est l'Internet cf. les mises à jour régulières de ce dossier.

1. Services récurrents

a. Souscription

Des informations sont monnayées (documentations, informations fournies à titre exclusif ou non) ainsi que des livraisons et des mises à jour de logiciels (avec ou sans garantie).

Exemples d'utilisateurs de ce modèle : Red Hat, Mandriva, JBoss, Nuxeo, etc.

b. Support

Des clients paient pour obtenir des réponses à leurs questions ou problèmes, sur un logiciel en particulier ou sur l'ensemble des outils qu'ils utilisent.

Ce support peut être fourni par l'éditeur lui-même (Red Hat, MySQL AB) ou par un tiers (SSII).

Exemples d'utilisateurs de ce modèle : Red Hat, Mandriva, JBoss, Nuxeo, Alfresco, etc.

c. Prestations de services autour du logiciel

Des services autour du logiciel peuvent être vendus : installation, formation, développement au forfait ou en régie.

Les clients achètent une prestation de service mettant en œuvre un ou plusieurs logiciels libres :

  1. Installation/Déploiement : mise en œuvre paramétrée d'une solution libre (messagerie Postfix/courier-imap/squirrel mail)
  2. Formation : formation à l'utilisation de logiciels libres (OpenOffice.org, etc.) ou à l'exploitation de systèmes et logiciels libres (exemple: administration Linux, Postfix, Apache)
  3. Développements spécifiques : création de progiciel intégré s’appuyant sur une plateforme de développement libre (exemple : Linux/PHP/MySQL AB). Si le développement est maîtrisé par le fournisseur, selon un planning et un budget déterminé, il s'agit d'un forfait. Dans le cas contraire, il s'agit d'une régie.

Exemples d'utilisateurs de ce modèle : à peu près tous les acteurs commerciaux du secteur et particulièrement les SSII. À noter que ce n'est pas le cas de la fondation Mozilla ou de ses branches comme Mozilla Europe.

d. Certification de matériels

Les fabricants de matériels informatiques paient les éditeurs des grandes distributions Linux pour que leurs matériels, ainsi que les pilotes (drivers) qui sont utilisés avec, soient évalués et certifiés. Les étapes de certification donnent souvent lieu à des améliorations des produits eux-mêmes ou bien des pilotes, qui peuvent être distribués en tant que logiciels libres ou logiciels propriétaires.

La certification de matériels est très importante, par exemple, pour les industries critiques (secteur de l'énergie), le domaine de la haute-disponibilité ou le secteur de la défense.

Exemples d'utilisateurs de ce modèle : Red Hat, Mandriva, Bull.

2. Mutualisation

a. Mutualisation de développements au forfait

Il faut distinguer deux cas de mutualisation de développements :

  • Le cas du prestataire qui a la maîtrise de la cohérence du produit (et en est généralement l'auteur) et qui met en contact plusieurs clients pour leur proposer de financer un logiciel complet ou l’ajout de nouvelles fonctionnalités ou correctifs à un logiciel existant.

    La mutualisation de développements au forfait se fait alors souvent dans le cadre de clubs d’utilisateurs, ce qui permet de rendre ce fonctionnement récurrent. Les très grandes entreprises et très grands comptes apprécient de partager leurs modes de fonctionnement et leurs exigences avec des acteurs de même envergure.

    Exemples d'utilisateurs de ce modèle : OpenTrust dispose d'un club d'utilisateurs, Nuxeo propose des mutualisations de développements

  • Le cas des commandes groupées ou des regroupements plus ou moins informels qui pilotent la cohérence côté client et gèrent la feuille de route et l'évolution du produit, avec éventuellement une structure ad hoc (Agora, Liber-Accès). La coopérative Adullact-Projet (avec S²low) est à classer dans cette catégorie, ainsi que Linex en Extrémadure, probablement.

b. Écosystèmes autour de logiciels libres

Des éditeurs construisent ensemble une offre de produits et de services. Plus le nombre d'acteurs au sein du groupement augmente plus les solutions portées par le groupement deviennent crédibles aux yeux des décideurs.

Les intermédiaires non-éditeurs (SSII ne vendant que des prestations) peuvent facilement devenir acteurs du développement de la solution, pérennisant ainsi l'écosystème et donc leur activité, dans une dynamique de cercle vertueux.

Exemples d'utilisateurs de ce modèle : OpenOffice.org (Sun, Novell, Google, Intel, etc.), Eclipse Foundation (IBM, Borland, Sybase et une centaine d'autres), Apache Foundation (IBM, etc.).

3. Apports de valeur ajoutée

a. Vente / location de solutions clés-en-main

Les clients paient (vente ou location) pour obtenir une solution clé en main. Les cas recensés sont les suivants :

  • ordinateur brique (computer appliance) proposant des services spécifiques et peu configurables, par exemple des combinaisons de parefeu (firewall), antivirus, mandataire (proxy), antipourriel (antispam)
  • appareil de télécommunication multi-services (accès Internet, téléphonie, télévision, vidéo à la demande), par exemple la Freebox, la Livebox, etc.
  • logiciel étendu et préparamétré, par exemple un kit de déploiement OpenOffice.org avec modèles étendus et modules d'autoformation.

Le fournisseur du service joue le rôle d'intégrateur : il réalise tout le travail de mise en fonction, le déploiement matériel, développe des compléments (tels que l'interface graphique de gestion par exemple) et prépare le tout dans une solution prête à l'emploi.

La situation juridique est incertaine dans le cas de la location ou de l'utilisation (par opposition à la vente) d'une solution clés-en-main (par exemple la Freebox). En effet un point fait l'objet de discussions juridiques et n'est pas encore tranché : Le produit résultant utilisé par les clients est-il soumis aux contraintes des licences de distribution des logiciels libres qu'il utilise ? C'est à la fois la barrière, de plus en plus ténue, entre matériel et logiciel ainsi que la définition du type de distribution du matériel mise en œuvre qui font débat. On notera enfin l'utilisation de certaines licences libres du type de la GNU Affero General Public License peuvent empêcher cette possibilité de produit résultant non libre.

Exemples d'utilisateurs de ce modèle : des constructeurs/éditeurs, des SSII, des opérateurs de télécommunication (France Telecom), des fournisseurs d'accès Internet (Free).

b. Base libre avec extensions propriétaires

Cela correspond à distribuer un logiciel libre avec des extensions payantes distribuées sous licences propriétaires. La base libre est généralement suffisamment utilisable pour convenir aux particuliers et aux petites structures pour lesquels elle sert de produit d'appel ou de démonstrateur technologique, tandis que les extensions propriétaires payantes répondent généralement aux problématiques de montée en charge que rencontrent les grandes structures.

Exemple d'utilisateurs de ce modèle : Zend qui fournit une plateforme pour exécuter du PHP avec des performances améliorées, Talend

c. Base libre avec outils de développement propriétaires

Cela correspond à vendre des outils de développement tiers (interface graphique, débogueur, optimiseur de code, etc.) pour développer autour d’un logiciel libre. Généralement, ces outils tiers ne sont pas strictement nécessaires à l’utilisation de la base en logiciel libre mais ils améliorent la productivité des développeurs ou rendent la complexité du logiciel plus facilement abordable pour des profils moins techniques.

Exemple d'utilisateurs de ce modèle : Zend qui fournit Zend Studio.

4. Licences

a. Licences multiples

Cela correspond à vendre la possibilité d'utiliser dans des logiciels propriétaires du code utilisé dans des logiciels libres. Un logiciel peut en effet être distribué selon plusieurs licences de distribution simultanément. Rien n'oblige à distribuer un logiciel sous une seule licence. On peut tout à fait, par exemple, distribuer un logiciel à la fois sous license GNU GPL et Mozilla Public License.

Exemples d'utilisateurs de ce modèle :

  • Trolltech qui fournit la bibliothèque graphique Qt multiplates-formes sous licence propriétaire pour les développements distribués sous licences propriétaires et qui la fournit selon la GNU GPL pour les développements distribués selon la GNU GPL. :

    The Qt Open Source Edition is offered to the Open Source community under Trolltech's Dual Licensing Model. The Open Source Edition is freely available for the development of Open Source software governed by the GNU General Public License (GPL). The Qt Commercial Editions must be used for proprietary, commercial development.
  • id Software qui distribue ses anciens moteurs graphiques, appelés id Tech, sous licence GNU GPL et non-GPL
  • MySQL AB

b. Changement de licence

  • Développement de logiciels sous licence propriétaire chronodégradable en licence libre.

    Par exemple deux ans après achat, le logiciel ou une version spécifique de celui-ci devient libre.

    Exemples d'utilisateurs de ce modèle :
    Aladdin Enterprises pour le produit Ghostscript, un interpréteur pour le langage PostScript et le format PDF.
    id Software avec ses anciens moteurs graphiques, appelés "id Tech", utilisés par leur jeu "Quake" permettant ainsi la création de jeux libres d'excellente qualité.

  • Développement de logiciels sous licence propriétaire comportant une clause de réversibilité en licence libre.

    Par exemple, en cas de disparition de l'entreprise qui développe et/ou fournit le logiciel, celui-ci devient libre.

    Exemple d'utilisateurs de ce modèle : L'infrastructure de gestion de clés publiques (IGC) IDX-PKI de la société OpenTrust qui devient diffusable selon la licence GNU GPL si la société éditrice disparait.

5. Apports indirects

a. Sponsoring, publicité sur site Web

Le logiciel libre, ou bien le site du logiciel libre, inclut des services qui font référence à des services commerciaux extérieurs, généralement sous la forme de logos d'entreprises ou de produits, pointant vers les sites Web correspondants.

Exemples d'utilisateurs de ce modèle : Le logiciel Firefox de la fondation Mozilla inclut des fonctionnalités de recherche qui pointent vers des moteurs de recherche appartenant à des entreprises qui paient pour cela. Le site d'hébergement de projets de logiciels libres SourceForge assure ainsi une grande partie de son financement par la publicité sur ses pages.

b. Produits dérivés

Le logiciel libre donne lieu à une rémunération par le le biais de la vente de produits dérivés, essentiellement des documentations, mais aussi des "goodies" tels que des T-shirts, tasses, peluches, etc.

Exemples d'utilisateurs de ce modèle : La boutique Mozilla est une boutique en ligne proposant des vêtements et autres accessoires dérivés des produits de la fondation Mozilla. De nombreux développeurs de logiciels libres écrivent des livres sur les projets sur lesquels ils travaillent. On peut trouver ces livres par exemple aux éditions Eyrolles et aux éditions O'Reilly.

c. Mécénat

Le développement des logiciels libres est soutenu par :

  • des fonds privés (fortunes personnelles)
  • des donations par projet (financements institutionnels ou fondations privées).

Exemples d'utilisateurs de ce modèle :

  • Le logiciel Firefox reçoit régulièrement de très nombreux dons avec notamment une campagne publicitaire dans le New York Times financée (250 000 dollars) largement au-delà de son coût (100 000 dollars).
  • Le logiciel Blender libéré par les dons (100 000 euros) avec création de sa fondation pour assurer son développement.
  • La distribution Ubuntu qui est financée essentiellement par l'homme d'affaires Mark Shuttleworth.
  • Financement du travail d'étudiants pour des projets en logiciel libre dans le cadre des Google summer of code.

Conclusion

Concluons d'abord trivialement que les logiciels libres donnent lieu à des modes de rémunération divers et variés, qui font intervenir autant des éditeurs que des intermédiaires.

Soulignons ensuite encore une fois que pour une plus grande sécurité financière les acteurs économiques des logiciels libres optent en général pour une combinaison de différents modèles économiques.

Et enfin, moins trivialement et après cette synthèse, on peut conclure qu'entre les deux grandes familles de licences de distribution de logiciels libres, les licences copyleft (GPL, LGPL, Cecill A, etc.) d'une part et les licences permissives (BSD, MIT, Cecill B, etc.) d'autre part, ce sont les licences copyleft qui permettent la plus grande variété de modèles économiques. Cela provient des plus grandes subtilités et contraintes de diffusion et d'utilisation caractérisant ces licences. Mais les licences copyleft ne sont pas forcément les plus adaptées lorsque c'est la plus grande diffusion d'un socle technique qui est recherchée : par exemple, le cas de la bibliothèque PNG (où c'est une licence de type BSD qui a été retenue) ou le cas d'un socle applicatif PHP, Java ou autre.


Références