Informations d'accessibilité| Page d'accueil| Aller au contenu| Plan du site| Moteur de recherche| Contact

Association Francophone des Utilisateurs de Logiciels Libres

French speaking Libre Software Users' Association

Promouvoir les logiciels libres ainsi que l'utilisation de standards ouverts.

Guerby contre Darty : la Cour de cassation resserre l'étau autour des professionnels

Nouvelle victoire dans une affaire emblématique : la Cour de cassation précise comment s'applique la notion de consommateur moyen
Cassation inside

Le Groupe de travail Non aux racketiciels de l'AFUL a le plaisir de vous annoncer qu'une importante victoire vient d'être à nouveau remportée dans l'une des affaires les plus emblématiques du combat des consommateurs contre les pratiques commerciales de vente forcée ou de vente liée de logiciels.

Ténacité de Monsieur Guerby depuis 2006

En effet, le 24 janvier 2014, la Cour de cassation s'est prononcée une deuxième fois dans l'une des plus anciennes affaires du groupe de travail, puisque Monsieur Guerby poursuit la société Darty depuis un achat d'ordinateur réalisé en 2006. Rappelons au passage que si à cette époque, on parlait de vente liée, on évite aujourd'hui cette qualification devenue hasardeuse et on utilise celle de vente forcée (ou fourniture non demandée).

Un premier jugement, qui avait été défavorable à Monsieur Guerby, avait été rendu par le juge de proximité de Paris 1er le 25 septembre 2008 alors qu'il reprochait à la société Darty d'avoir eu recours à son encontre à une vente liée de logiciels avec son matériel informatique. Il avait alors porté son affaire devant la Cour de cassation qui avait rendu un arrêt essentiel le 15 novembre 2010 (le même jour qu'un autre dossier emblématique, l'affaire Pétrus contre Lenovo).

La Cour de cassation, qui avait alors annulé le jugement défavorable, avait renvoyé l'affaire devant une deuxième juridiction de proximité, celle de Paris 2e. Contre toute attente, dans un jugement du 16 mars 2012, le juge de proximité avait rejeté les demandes de Monsieur Guerby, estimant qu'il ne justifiait pas de l'existence d'une vente liée au motif, notamment, qu'il n'était pas un "consommateur moyen". À cette occasion, le juge de proximité relevait que Monsieur Guerby était membre de l'AFUL et qu'il exerçait la profession d'informaticien. Voir l'analyse de Me Frédéric CUIF.

Monsieur Guerby n'avait pas entendu en rester là, et à juste titre puisque la Cour de cassation vient de lui donner raison une nouvelle fois. Elle a cassé intégralement le jugement rendu et a renvoyé l'affaire devant la juridiction de proximité de Paris, cette fois-ci celle du 4e arrondissement.

La Cour précise la notion de consommateur moyen

La Cour de cassation s'est montrée particulièrement claire dans sa motivation. Citant le jugement rendu par le juge de proximité :

le jugement retient que M. Guerby est membre actif d'une association ayant pour but de lutter contre les ventes liées de logiciels et gérant d'une société dont l'activité est directement liée aux systèmes et produits informatiques, matériel, logiciel et réseau, en sorte qu'il n'est pas un consommateur moyen au sens de l'article 7 de la Directive [2005/29/CE du 11 mai 2005]

La Cour remarque que :

[l'article 7] dispose que l'omission trompeuse est constituée notamment lorsqu'un professionnel omet une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause et, par conséquent, l'amène ou est susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement ;

et également :

l'existence d'une omission trompeuse au sens de l'article 7 de la Directive doit être appréciée au regard d'un consommateur moyen, sans avoir égard aux qualités propres du consommateur ayant conclu le contrat litigieux

Par conséquent,

la juridiction de proximité a violé, par fausse application, le texte susvisé.

 

Utilité de cet arrêt

Plusieurs points de cet arrêt de la Cour de cassation sont essentiels pour l'avenir :

D'une part, la qualité de consommateur moyen n'est pas le premier critère à prendre en considération : le juge doit examiner en premier lieu si l'offre du professionnel est conforme à sa diligence professionnelle, c'est-à-dire notamment, si les informations qu'il donne sont suffisantes pour permettre à un consommateur moyen de prendre une décision éclairée, qui ne le trompe pas. Et ensuite seulement, le juge s'intéressera à la qualité du consommateur qui dénonce ces pratiques, pour savoir s'il peut ou non bénéficier de la protection de la directive qui ne s'adresse qu'au consommateur moyen.

D'autre part, c'est bien le consommateur moyen qui sert de référentiel pour l'analyse de la déloyauté de la pratique commerciale par le juge. Cette qualité doit être appréciée sans avoir égard aux qualités propres du consommateur ayant conclu le contrat litigieux, ce qui signifie que ses qualités propres, c'est-à-dire ses connaissances en informatique, ne sont pas de nature à changer sa qualification de consommateur moyen s'il répond aux critères posés par la directive du 11 mai 2005, qui précise à cet égard qu'il faut prendre en considération non seulement la finalité pour laquelle le consommateur a fait son achat (ses besoins personnels ou un cadre professionnel) mais aussi les qualités objectives qui font les consommateurs dans leur ensemble, à savoir un consommateur normalement informé, raisonnablement attentif et avisé à l'égard d'un bien ou d'un service.

Enfin, le défaut d'information pointé par Monsieur Guerby est qualifié d'omission trompeuse, ce qui signifie que la Cour de cassation considère que les informations relevées comme manquantes étaient essentielles.

Renvoi vers la juridiction de proximité de Paris 4e

La Cour casse et annule le jugement et renvoie l'affaire à une autre juridiction de proximité, celle du 4e arrondissement de Paris. Cette dernière devra donc juger une nouvelle fois l'affaire au fond en analysant d'abord la pratique commerciale de DARTY qui consiste à fournir des logiciels non demandés dont on ne connaît pas le prix et dont on ne peut pas obtenir une déduction subséquente lorsque le consommateur n'en veut pas. Le juge de proximité devra rendre une décision en respectant les deux arrêts de cassation et en appréciant si les omissions trompeuses de DARTY, notamment sur les prix des logiciels, amènent ou sont simplement susceptibles d'amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement.

Précieux pour les autres affaires

Le groupe de travail Non aux Racketiciels se félicite de cette décision. On peut enfin espérer, après deux cassations, une issue favorable sanctionnant la pratique commerciale de la société Darty. Surtout, la notion de consommateur moyen revient dans presque chaque affaire : les précisions de la Cour seront précieuses.

Cette victoire historique a été rendue possible par la ténacité hors du commun de Monsieur Guerby, membre de l'AFUL, et par le soutien (notamment pécuniaire) de l'AFUL. Elle confirme également, s'il en était besoin, le talent de Me Frédéric Cuif, avocat au barreau de Poitiers, et celui de Me Hannotin, avocat à la Cour de cassation.


À propos de l'AFUL (https://aful.org/)

Logo AFUL

Association Francophone des Utilisateurs de Logiciels Libres, l'AFUL a pour principal objectif de promouvoir les logiciels libres ainsi que l'utilisation des standards ouverts. Ses membres, utilisateurs, professionnels du logiciel libre, entreprises ainsi que d'autres associations, sont issus d'une dizaine de pays ou de régions francophones (France, Belgique, Suisse, Afrique francophone, Québec).

Interlocuteur de nombreux médias, l'AFUL est présente sur nombre de salons, conférences et rencontres. Elle agit notamment activement contre la vente liée (site Non aux Racketiciels, comparatif bons-vendeurs-ordinateurs.info et bons-constructeurs-ordinateurs.info), pour l'interopérabilité (membre de l'AFNOR, participation aux référentiels d'interopérabilité et d'accessibilité de la DGME, site formats-ouverts.org, etc.), intervient sur les problématiques du droit d'auteur ainsi que pour la promotion de l'utilisation de logiciels et ressources pédagogiques libres pour l'éducation entendue au sens large.

Contacts presse :

  • Laurent Séguin, président de l'AFUL, laurent.seguin@aful.org +33 (0)6 63 94 87 16
  • Me Frédéric Cuif, avocat au barreau de Poitiers, +33 (0)5 49 88 70 61
  • Relations presse - AFUL : presse@aful.org