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Association Francophone des Utilisateurs de Logiciels Libres

French speaking Libre Software Users' Association

Promouvoir les logiciels libres ainsi que l'utilisation de standards ouverts.

Informatique grand-public : coup de tonnerre judiciaire sur la vente liée

Dans son jugement du 24 juin 2008, le tribunal de grande instance de Paris oblige, à travers Darty, tous les distributeurs français à afficher le prix des logiciels d'exploitation et d'utilisation préinstallés sur les ordinateurs mis en vente.

Paris, le 24 juin 2008,

Balance de la justice

La décision rendue ce 24 juin par le TGI de Paris [1] dans l'affaire qui opposait l'UFC-Que Choisir à Darty sur la question de la vente liée n'est sans doute pas la condamnation claire qu'attendaient le plaignant et avec lui les groupements issus du monde du logiciel libre. Malgré des apparences défavorables, puisque le distributeur se voit reconnaître le droit de commercialiser des ordinateurs avec des logiciels pré-installés, ce jugement reprend deux des principales revendications des détracteurs de la vente liée et ouvre la porte à un changement bien plus radical qu'il n'y paraît.

Un distributeur peut vendre des ordinateurs avec des logiciels pré-installés mais ...

L'UFC-Que Choisir, en présentant sa demande, a donné à penser qu'elle voulait que désormais les ordinateurs soient vendus nus. L'association de consommateurs n'a pas été suivie par des juges peu au fait en informatique qui ont préféré s'en remettre au rapport d'expertise fourni par Darty sur la difficulté d'installer un Linux, plutôt qu'au sien sur la facilité d'installer Linux. À la vérité, actuellement la facilité, ou la difficulté, d'installer Linux ou Windows sur un ordinateur personnel est comparable [2].

Aussi sur de telles bases, le débat sur le prétendu intérêt du consommateur était complètement biaisé et on ne peut que déplorer les approximations successives qui fondent la décision. La loi autorise pour motif légitime, est-il écrit, une vente qualifiable de subordonnée, notamment dans l'intérêt du consommateur. On cherche en vain le texte mentionnant une telle exception. Deuxièmement, l'évaluation de l'intérêt du consommateur se réduit au seul fait de disposer d'un ordinateur immédiatement disponible, sans aucune appréciation du contexte notamment concurrentiel et des conséquences de la vente liée pour ledit consommateur. Le tribunal ne procède à aucune appréciation globale notamment en évoquant le pluriel : l'intérêt des consommateurs, sinon pour dire qu'une offre sans logiciels existe par ailleurs. Or, cela est faux, au moins sur les portables ou alors à des tarifs prohibitifs, liés aux coûts de main d'œuvre, qui font que cette offre n'est nullement substituable à l'offre grand-public.

Mais, au final, cette partie de la décision n'a pas une si grande portée car il faut la réduire au cadre strict de la demande : Darty n'est pas condamné à vendre des ordinateurs nus. Par contre le jugement ne dit nullement que Darty est autorisé à continuer d'imposer l'achat des logiciels avec le matériel. La subtilité réside encore une fois dans la distinction entre pré-installation et pré-activation qui n'a malheureusement pas affleuré durant l'audience. C'est à la lumière de cette distinction qu'il faut apprécier la portée du reste du jugement.

Étape 1 : Logiciels et matériels sont bien distincts

Le premier point sur lequel il convient de se réjouir est d'abord que le TGI récuse l'idée selon laquelle logiciels et matériel formeraient un produit unique parce que complémentaires. Pour cela, il se sert d'ailleurs de l'analogie mille fois ressassée par les constructeurs entre un moteur de voiture et logiciels : autant un moteur n'est pas substituable à un autre, autant plusieurs logiciels sont disponibles sur le marché qui peuvent être parfaitement adaptés sur un ordinateur.

C'est le point majeur de cette décision.

Étape 2 : Un affichage distinct des prix est imposé

Darty a été condamné à l'affichage des prix des logiciels, ce qui est une révolution. Pour la première fois les consommateurs vont pouvoir se rendre compte du vrai prix des logiciels préinstallés. C'est-à-dire concrètement connaître le prix que leur coûtent Microsoft Windows et les autres utilitaires à l'occasion de l'achat d'une machine neuve. Avec cette prise de conscience enfin possible, les choix et les attentes des consommateurs ne seront plus les mêmes. C'est le début de l'arrivée de la concurrence dans le secteur de la micro-informatique grand public.

Avec cette obligation d'affichage des prix c'est aussi une plus grande facilité pour les demandes de remboursement des logiciels non désirés, ces racketiciels, particulièrement dans l'optique de l'appel à la multiplication des procès [3]. Ce jugement permet donc de préparer les prochaines victoires qui seront obtenues sur le terrain grâce au guide du remboursement [4].

Étape 3 : Demain, l'optionnalité

C'est justement à travers cet aspect que le jugement va désormais dérouler ses effets au cours des prochains rendez-vous prévus, à savoir la réunion avec la DGCCRF du 3 juillet prochain et les deux autres procès à venir de l'UFC-Que Choisir (contre Hewlett Packard et contre Auchan Bagnolet). Comme le rappelle la DGCCRF elle-même dans sa Réponse d'Intérêt Général de 2005 [5] sur la vente liée, la vente par lot dit obligation de commercialiser séparément, sur le même lieu de vente, les éléments du lot. Assez logiquement, on ne peut imaginer l'affichage distinct des prix sans en tirer la conséquence que le consommateur puisse porter son choix sur l'un seulement des éléments du lot, logiciel ou matériel.

C'est donc bien toute l'économie de la vente liée, avec son opacité sur les prix, sur la nature des licences qui est remise en cause. Pris entre la contrainte d'offrir les éléments séparés et le souhait de vendre des ordinateurs prêts à l'emploi, les distributeurs n'auront d'autre choix que de se tourner vers l'optionnalité [6].


Références

  1. Jugement UFC Que Choisir-Darty du 24 juin 2008 (PDF, 2,5 Mo).
  2. AFUL : L'offre des Netbooks à bas coût dans le monde.
  3. Consommation : vers une multiplication des procès pour le remboursement des Racketiciels : Après le troisième procès remporté par un particulier, l'AFUL, l'April, l'UFC-QueChoisir et la CLCV, appellent à la multiplication des procédures de remboursement des logiciels imposés à l'achat d'un ordinateur neuf. Un guide du remboursement est proposé.
  4. Groupe de travail Racketiciels : Guide du Remboursement.
  5. DGCCRF : Réponse d'Intérêt Général (2005).
  6. Groupe de travail Racketiciels : Nos demandes : optionnalité des logiciels, vérité des prix, information et concurrence.

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