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Oui au libéralisme technologique
01 Informatique n° 1494 * 17 avril 1998 * page 98
Carte blanche Bernard Lang, directeur de recherche à l'Inria Oui au libéralisme technologique Alors que les nuages judiciaires s'accumulent au-dessus de Microsoft et que certains l'accusent d'organiser une manipulation massive des médias, les grands noms du logiciel libre se sont réunis la semaine dernière à Palo-Alto pour discuter de stratégie économique et commerciale. Beaucoup dominent déjà leurs marchés respectifs. Encore faut-il le faire savoir ! En dépit du succès manifeste des logiciels libres auprès des responsables techniques, souvent à l'insu de leur hiérarchie, nombre de décideurs demeurent réticents, sou- vent par peur de l'inconnu. On sait, ou on croit savoir, comment les grands éditeurs produisent et font évoluer leurs logiciels, et comment ils assurent, ou refusent d'assurer, le service après-vente. Mais quid des logiciels libres ? Et ne croyant guère à la philanthropie, on voudrait bien savoir le bénéfice qu'en retirent leurs producteurs. Le modèle libre correspond pourtant à un paradigme bien connu et depuis longtemps accepté par les plus grandes sociétés : celui de la recherche scientifique. Curieusement, elle repose sur les mêmes bases que l'économie libérale: diffusion libre et sans barrières de la connaissance, concurrence souvent très dure, sélection par le «marché» du savoir. Mais c'est aussi une économie du savoir fondée sur la coopération et le progrès, où chacun apporte sa pierre en analysant, vérifiant, critiquant, améliorant et sélectionnant les résultats connus pour aboutir à un corps de connaissances fiables, reconnues et facilement utilisables. Tout cela repose sur la libre circulation de l'information, c'est-à-dire du code source dans le cas des logiciels libres, «open source software» en anglais. Mais quels relais industriels pour tirer parti du foisonnement des ressources ainsi créées ? Comment gagner de l'argent avec ce qui est libre et donc essentiellement gratuit ? C'était l'objet de la réunion de Palo-Alto. Robert Young, président heureux de Red Hat Software, sélectionne et distribue commercialement des logiciels libres. Il se compare à un vendeur d'eau minérale qui distribue un produit gratuit, mais en garantissant la qualité et la stabilité du produit. «En outre, ajoute-t-il, je vends du contrôle», car ses clients ont le plein contrôle des produits acquis, et gardent le libre choix de leurs fournisseurs. Quelle meilleure garantie apporter ?
Bernard.Lang@inria.fr
(*) Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique photo: JL Desnos |
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