Informations d'accessibilité| Page d'accueil| Aller au contenu| Plan du site| Moteur de recherche| Contact

Association Francophone des Utilisateurs de Logiciels Libres

French speaking Libre Software Users' Association

Promouvoir les logiciels libres ainsi que l'utilisation de standards ouverts.

Position de l'AFUL sur les brevets logiciels

La protection des innovations techniques par le brevet n'est justifiée que par l'utilité sociale, c'est-à-dire le bénéfice apporté à la Société, quelle qu'en soit la forme. Dans tous les domaines techniques, cette protection a des effets positifs et des effets négatifs, sur l'économie, l'innovation ou d'autres aspects du fonctionnement de la Société. Ces effets sont dépendants de nombreux paramètres liés au domaine technique, à son économie, à son rôle social : interdépendance des inventions, vitesse de l'innovation, coût des investissements de recherche et développement et d'industrialisation, importance des normes et effets de réseau liés à la technique en cause, nombre et qualité des agents économiques concernés, etc. Il importe d'analyser et de prendre en compte l'ensemble des effets pour déterminer le type de protection optimal pour la Société.

Sur la brevetabilité des programmes d'ordinateurs

Position résumée de l'AFUL (juillet 2001)

La protection des innovations techniques par le brevet n'est justifiée que par l'utilité sociale, c'est-à-dire le bénéfice apporté à la Société, quelle qu'en soit la forme.

Dans tous les domaines techniques, cette protection a des effets positifs et des effets négatifs, sur l'économie, l'innovation ou d'autres aspects du fonctionnement de la Société.

Ces effets sont dépendants de nombreux paramètres liés au domaine technique, à son économie, à son rôle social : interdépendance des inventions, vitesse de l'innovation, coût des investissements de R&D et d'industrialisation, importance des normes et effets de réseau liés à la technique en cause, nombre et qualité des agents économiques concernés, etc.

Il importe d'analyser et de prendre en compte l'ensemble des effets pour déterminer le type de protection optimal pour la Société.

Aspects économiques

La mise en oeuvre à grande échelle des innovations matérielles entraîne des coûts qui impliquent nécessairement un contexte industriel ou commercial. Par contre, les productions immatérielles (dont les logiciels) peuvent être dupliquées et diffusées à coût marginal nul. Cela induit nécessairement un changement sur les structures de coût, donc sur les structures de production, et donc sur les structures économiques. En particulier, cela permet la production de richesses sans activité commerciale ni infrastructure industrielle, voire dans le cadre d'activités individuelles bénévoles. C'est en particulier ce qui a permis le phénomène nouveau des logiciels libres.

La protection de l'innovation implique des coûts directs et indirects qui s'imposent à tous, même si on ne l'utilise pas, car on peut être contrefacteur involontairement.

La complexité naturelle des logiciels rend impossible en pratique toute recherche d'antériorité de droits sur chaque mécanisme logiciel utilisé, tout en maintenant une forte probabilité d'une telle antériorité. Cela crée une forte insécurité juridique, particulièrement dangereuse, et donc coûteuse (provisions) pour les PME/PMI (ce qui est à comparer avec les structures de coût évoquées ci-dessus).

La protection par dépôt de brevet est elle-même coûteuse.

Les actions en contrefaçon, offensives ou défensives, dépassent généralement les moyens des PME/PMI.

Cette situation avantage considérablement les grands groupes qui ont les moyens de se défendre (ou d'attaquer) en constituant des portefeuilles de brevets. Or les grands groupes du logiciel sont majoritairement américains.

Les études de terrain [1] montrent que les PME/PMI considèrent généralement que le brevet n'est pas le moyen adéquat pour protéger leur innovation ou, ce qui est plus important, leurs parts de marché. Cela est confirmé par une étude spécifique à l'industrie du logiciel [2].

Les études économiques théoriques sont généralement sceptiques, voire clairement négatives, quant à l'utilité du brevet dans le secteur logiciel, notamment en ce qui concerne l'innovation. Sans faire la très longue liste de ces études, citons simplement la revue qu'en a fait l'Intellectual Property Institute [3] à la demande de la Direction du Marché Intérieur de la Commission Européenne : « La littérature économique, théorique ou autre, ne démontre aucunement - en fait met fortement en doute - l'efficacité économique de la brevetabilité des inventions portant sur des programmes d'ordinateur. »

Interopérabilité

Une protection excessive renforce la tendance naturelle des TIC à créer des monopoles. Cela est particulièrement grave en ce qui concerne les formats et protocoles de communication, dont l'utilité résulte des effets de réseau (nécessité d'une norme) et non de la contribution technique. Il en résulte des effets anti-concurrentiels directs ou indirects particulièrement importants.

Le contrôle du droit d'utilisation des formats d'échange permet de contrôler les supports de diffusion. Par exemple, les brevets Sorenson nécessaires pour l'implémentation de Quicktime empêchent l'implémentation de ce format de données multimédia sur Linux, causant indirectement un préjudice concurrentiel à Linux.

Inversement, l'innovation considérable qu'a engendrée l'Internet peut être attribuée en grande part à la politique délibérée d'ouverture qui a accompagné son développement.

C'est ce qui motive notre souhait d'un principe d'interopérabilité, étendant et généralisant l'article 6 de la directive européenne de 1991 sur la protection juridique des programmes d'ordinateur [ cf. http://europa.eu.int/eur-lex/fr/lif/dat/1991/fr_391L0250.html ] comme le propose l'article 3 de la proposition de loi Le Déaut [cf. http://www.osslaw.org/ ].

Effets sociétaux

La création de logiciel peut être une activité individuelle à but non-lucratif. Le brevet dont le rôle est de réguler une activité économique peut donc entraver des créations et échanges à caractère non-lucratif, relevant de l'activité culturelle (l'exemple le plus caractéristique étant la création artistique multimédia). Il impose aux individus des contraintes qui étaient réservées aux activités entrepreuneuriales.

En particulier, notamment aux États-Unis, le brevet logiciel entrave déjà de nombreux développements de logiciels libres. C'est d'ailleurs une politique délibérée de la part de certains acteurs [4].

Le contrôle du droit d'utilisation des formats d'échange permet de contrôler les contenus. « La maîtrise des technologies n'est pas séparable de la maîtrise des contenus » (Mme Catherine Trautmann, 8 février 1998). Laisser contrôler par des brevets les formats d'échange culturel (cf la section sur l'interopérabilité), c'est octroyer un contrôle sur les contenus culturels et éducatifs. Quels en seront les effets sur la diffusion et la pérennité des cultures, et donc à terme sur la francophonie ?

La brevetabilité du logiciel est inséparable de la brevetabilité des méthodes intellectuelles, et l'on peut dès lors poser la question de savoir si et où il y aura une limite.

Le contrôle par le brevet, directement ou indirectement, de certaines solutions logicielles peut imposer aux utilisateurs de recourir à des logiciels propriétaires monopolistes, et dont ils ne peuvent avoir la maîtrise. Cette situation présente de nombreux inconvénients (perte de contrôle sur des infrastructures essentielles) et en particulier un danger pour la sécurité des entreprises comme des états. M. Henri Serres, directeur du DCSSI, répondant à une question sur la sécurité face à l'irresponsabilité des éditeurs, a affirmé publiquement lors de la conférence du FIRST [ http://www.first.org/conference/2001/ ] : « La solution ce sont les logiciels libres ». Le brevet logiciel peut empêcher de telles solutions d'exister.

Références

[1] Background and Overview of the Intellectual Property Initiative, Ron Coleman & David Fishlock, 2000. http://info.sm.umist.ac.uk/esrcip/

[2] Patent protection of computer programmes, Final Report Submitted to European Commission, Directorate-General Enterprise, Contract no. INNO-99-04, 22 May 2001. - Puay Tang, John Adams, Daniel Paré, ftp://ftp.ipr-helpdesk.org/softstudy.pdf

[3] The Economic Impact of Patentability of Computer Programs, Robert Hart, Peter Holmes et John Reid, Report to the European Commission, IP Institute, 2000. http://ec.europa.eu/internal_market/indprop/docs/comp/study_en.pdf

[4] Vinod Valloppillil : « The Halloween Documents » Rapports internes, Microsoft Corp., Août 1998. http://www.opensource.org/halloween/