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L'AFUL appelle l'AFNOR et les organisations de normalisation francophones à s'opposer à l'usage de la procédure accélérée dans l'examen d'une deuxième norme bureautique à l'ISO.
L'AFUL s'inquiète de la soumission, en procédure accélérée « fast track », du format de document bureautique « Office Open XML File Formats » utilisé par Microsoft, comme norme internationale. L'association conteste le bien fondé d'une telle procédure, avalisant de fait les décisions de quelques multinationales, sur un enjeu qui engage sur le long terme tous les acteurs de la société de l'information, simples particuliers, entreprises, associations, administrations et collectivités.
Paris, le 2 février 2007 Les pays membres de l'ISO (International Standard Organization) doivent bientôt se prononcer sur l'usage de cette procédure accélérée pour décider d'avaliser comme norme internationale la spécification "Office Open XML File Formats" acceptée par l'ECMA (European Computer Manufacturers Association) comme standard ECMA-376 [1]. Cette pratique est habituelle car l'ISO considère que le travail d'instruction du dossier ayant déjà été accompli par l'ECMA, il est généralement raisonnable de s'appuyer sur le dossier réalisé pour accélérer la décision. Cependant cette pratique est contestable dans ce cas précis. L'ECMA est une organisation de standardisation où les seuls membres disposant du droit de vote sont un groupe de 20 sociétés multinationales, principalement américaines et japonaises. Or l'établissement d'un standard pour les documents bureautiques n'est pas un simple standard de communication concernant les produits manufacturés de quelques industriels, mais un choix qui engage tous les acteurs de la société de l'information : des plus petits (particuliers, PME, collectivités, ...) aux plus grands (multinationales, administrations et états). Il s'agit en fait des formats logiques qui sont destinés à être utilisés par tous pour communiquer, et aussi pour archiver les documents administratifs, culturels, ou scientifiques, et donc préserver une grande partie de notre patrimoine intellectuel ou historique. Tous sont concernés par les enjeux techniques, économiques et sociétaux de tels choix, qui ne sauraient donc être dictés par les intérêts économiques de quelques sociétés membres de l'ECMA, peu représentatives de la diversité mondiale concernée. Le travail accompli par l'ECMA ne saurait donc, en de telles circonstances, justifier une procédure accélérée dite "fast track", requérant l'examen en 30 jours d'un document extrêmement technique de 6039 pages, plus des annexes. Il importe que les organisations de standardisation, représentant les pays membres de l'ISO, réexaminent en totalité ce document en prenant en compte, comme il se doit, les intérêts de l'ensemble des acteurs concernés de la société de l'information. L'AFUL s'inquiète en outre de ce que le comité technique chargé de cette question à l'AFNOR (Association Française de Normalisation) pourrait être fortement déséquilibré en raison du coût de participation à ce type de comité, avec une surreprésentation de certaines grandes sociétés et une absence totale de représentation de l'immense majorité des acteurs socio-économiques concernés. Il y a un risque manifeste que l'AFNOR défende les intérêts spécifiques d'une ou deux sociétés étrangères au détriment de l'intérêt général, non seulement de la France et de l'Europe, mais de la plupart des pays de la planète, ce dont s'inquiète le député du Tarn, Bernard Carayon, dans une question écrite [2] au Ministre délégué à l'Industrie du 2 février 2007 : « Les formats ouverts sont, potentiellement, le socle d'une autonomie européenne retrouvée en matière de technologie de l'information. Une position hâtive et incertaine de la France en ce domaine jouerait durablement contre les intérêts européens. » C'est pourquoi l'AFUL appelle l'AFNOR, en tant que représentant de la France à l'ISO, ainsi que toutes les autres organisations de normalisation représentant des pays francophones à l'ISO, à voter contre l'usage de la procédure accélérée "fast track" en ce qui concerne la soumission de "Office Open XML File Formats" comme norme ISO. Au-delà de cette question de respect des principes et de la prise en compte de tous les intérêts concernés, l'AFUL s'interroge sur l'utilité d'établir une nouvelle norme, alors que la norme ISO/IEC 26300, qui établit comme norme internationale le standard OASIS OpenDocument Format (ODF) [3], vient d'être adoptée par les membres de l'ISO en mai 2006, sans aucune opposition. Cette norme, ouverte, librement utilisable par tous et notamment par les éditeurs de logiciels de bureautique, garantit l'interopérabilité et est déjà largement utilisée par les administrations de la France et d'autres pays. Elle est notamment l'un des éléments essentiels du Référentiel Général d'Interopérabilité (RGI) destiné à normaliser les communications et l'archivage des administrations et des collectivités françaises. Le standard ECMA-376 portant sur les documents bureautiques remet donc en cause cette norme ISO/IEC 26300, qui permet d'assurer dans les faits une réelle interopérabilité, comme l'a montré son adoption par divers acteurs majeurs (IBM, SUN ou Google) aussi bien dans des applications libres (open source) que propriétaires. Comme le souligne le communiqué de presse de l'ISO [4], « les organisations et les individus qui préservent leur données dans le format ouvert évitent d'être prisonniers d'un unique fournisseur de logiciel, restant libres de changer de logiciel si leur fournisseur disparaît, augmente ses prix, change son logiciel ou modifie ses licenses. » La longueur excessive des 6039 pages qui composent les spécifications du standard ECMA 376 est en soi un problème pour une norme, et d'autant plus quand il s'avère qu'elle est en outre incomplète et fait référence à des informations non publiées. De plus, les premières études [5] du document proposé montrent de nombreuses incompatibilités avec les normes de l'ISO ou d'autres organismes, comme le W3C - une série d'éléments tant juridiques que techniques qui rendraient malaisée voire impossible son implémentation par d'autres éditeurs que l'auteur initial de ce format, au point d'imposer dans ce standard ECMA-376 des incohérences qui ne sont que le reflet des bogues de programmation de cet éditeur. Un tel standard ne saurait donc conférer aux utilisateurs les garanties qu'ils sont en droit d'attendre d'une norme reconnue par l'ISO, que ce soit en termes de cohérence, d'universalité, d'interopérabilité ou d'indépendance par rapport à un fournisseur. L'adoption du standard ECMA 376 aurait donc pour effet de remettre en cause le rétablissement d'une concurrence non faussée dans le domaine essentiel de la bureautique. Elle risque en outre d'entacher la réputation d'indépendance et de qualité technique de l'ISO et des organismes nationaux de normalisation, et donc d'affaiblir la confiance nécessaire au bon fonctionnement des systèmes de normalisation, non sans conséquence sur le développement économique. Références
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