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Association Francophone des Utilisateurs de Logiciels Libres

French speaking Libre Software Users' Association

Promouvoir les logiciels libres ainsi que l'utilisation de standards ouverts.

Le procès Jacobsen vs Katzer

Le procès Jacobsen vs Katzer aux États-Unis renforce la crédibilité juridique des licences libres et affirme la dimension économique des modes correspondants d'exploitation des œuvres. Ceci n'est pas sans effet sur l'écologie du droit d'auteur et sur l'interprétation de certaines clauses des traités internationaux.

« Le procès Jacobsen contre Katzer concerne du logiciel libre créé par Bob Jacobsen que Katzer a utilisé dans une application propriétaire, et a de plus breveté. Quand Katzer commença à envoyer des factures à Jacobsen (pour ce qui est essentiellement le propre travail de Jacobsen), Jacobsen porta l'affaire devant les tribunaux et remporta une victoire qui - pour la première fois - établit un fondement légal pour la protection des développeurs open source » [traduit de Slashdot, 3 octobre 2008]. L'affaire est détaillée dans un excellent article de Bruce Perens intitulé « A Big Change for Open Source » et paru le 2 octobre 2008 dans Datamation.

En fait le procès ne fut gagné qu'en appel, mais c'est ce qui compte (elle doit cependant être rejugée en première instance, mais sur la base de la décision en appel), avec l'aide de nombreux juristes de l'open-source (j'utilise la terminologie de Perens). La situation juridique du libre aux États-unis restait incertaine car aucun litige n'avait été résolu en justice jusqu'à maintenant, les protagonistes préférant les réglements amiables. L'affaire est complexe, car elle met aussi en cause le système états-unien de dépot de brevets, l'analyse de l'état de l'art et la vérification des assertions des déposants.

Le point crucial de l'affaire est que « Katzer tenta de se défendre en affirmant que les termes de la licence open source de Jacobsen n'étaient pas valable et ne pouvaient donc lui être imposés ... » Mais « ce que la cour d'appel a établi, essentiellement, c'est que la licence de logiciel libre est bien une licence, plutôt qu'un contrat, et qu'elle ne requiert donc pas l'agrément des deux parties pour s'imposer, que le respect de ses termes peut être exigé, et que la violation d'une licence open source cause un dommage économique réel au titulaire des droits même s'il ne fait pas payer son logiciel » [B. Perens, page 2]. En termes plus simples, la cour a décidé qu'il s'agit non pas de droit contractuel, qui ne donnerait lieu à aucun dédommagement faute d'un préjudice financier direct, mais d'une affaire de contrefaçon ce qui est beaucoup plus grave et peut donner lieu à des compensations financières indépendamment des conditions de cette contrefaçon.
Pour plus de détails en français, divers articles sont publiés sur cette affaire :

Il faut cependant garder à l'esprit que cette jurisprudence (qui devrait normalement être confirmée) ne concerne en principe que les États-Unis, et que le droit français pourrait avoir une vision différente de la notion de licence.

Ceci dit, il n'en reste pas moins qu'une telle jurisprudence établit que la diffusion sous licence libre est un mode légitime d'exploitation des œuvres, et que sa violation a des incidences économiques au moins dans certains pays : selon la cour d'appel « l'absence d'échange financier dans la cession de licence open source ne saurait supposer l'absence d'enjeu économique » [attendus du jugement, page 8]. Cette jurisprudence doit donc être prise en compte dans l'interprétation des textes internationaux qui font référence à l'exploitation des œuvres. C'est en particulier le cas du "test en trois étapes" [article 9(2) de la Convention de Berne, article 10 du traité de l'OMPI sur le droit d'auteur, article 13 de l'accord sur les ADPIC] qui précise que toutes « limitations aux droits exclusifs [droits d'auteur ou droits voisins] ou exceptions à ces droits » doivent être restreintes « à certains cas spéciaux qui ne portent pas atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du détenteur du droit. »

Cela implique donc que de telles limitations ou exceptions ne sauraient pouvoir porter atteinte à l'exploitation d'une œuvre selon le modèle libre ou open source, ni causer un préjudice injustifié à un détenteur de droit qui y aurait un intérêt légitime. Qui plus est, on ne saurait conditionner cela à la présence explicite d'une licence libre, car les mêmes traités précisent que « la jouissance et l'exercice de ces droits ne sont subordonnés à aucune formalité » [article 5(2) de la Convention de Berne].
Une conséquence est de limiter rigoureusement toute exception légale au droit exclusif des auteurs qui permettrait à des tiers de restreindre le libre usage des œuvres. C'est précisément ce que tentent d'obtenir les sociétés françaises de gestion collective des droits dans le cas des oeuvres orphelines.