AFUL
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FRANCE
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Madame Geneviève FIORASO
Ministre de l’Enseignement Supérieur
et de la Recherche
Paris, le 4 juillet 2013
Madame la Ministre,
Voilà deux fois que des éditeurs de logiciels non libres tentent par des actions de
lobbying de faire retirer la priorité à l'usage des Logiciels Libres inscrite dans le projet de
loi Enseignement Supérieur et Recherche. Après avoir fait pression sur la représentation
nationale, c'est par une lettre que ces acteurs vous interpel ent pour contrer l'avancée du
logiciel libre dans la société française. Malheureusement ils y sont arrivés dans la loi de
refondation de l’école de la République. Ne les laissons pas réussir aussi dans le projet de
loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche.
Ne soyons pas dupes de leurs intentions, il s'agit bien, pour quelques rares sociétés
commerciales ayant un modèle économique basé sur la rente de situation, de conserver et
renforcer leur position. Entre le paiement de droits d'usage des logiciels, le verrouil age
par les formats de fichiers et protocoles de communication, les dépendances avec
d'autres logiciels non libres (souvent publiés par les mêmes éditeurs), tout est organisé
par ces quelques acteurs pour faire de l'école un client captif, au détriment de la bonne
utilisation des deniers publics.
Non, Madame la Ministre, contrairement à ce que ces quelques intérêts privés veulent
faire croire, donner préférence au logiciel libre n'est pas choisir un modèle d'affaire contre
un autre. Bien au contraire ! Les modèles d'affaires liés aux logiciels libres1 permettent
justement à tout acteur, quel qu'il soit, de s’insérer dans le marché à partir des mêmes
logiciels ou des mêmes socles technologiques communs. Cette possibilité ne sera
effective que si l'on donne une préférence au logiciel libre. Choisir du logiciel libre n'est
pas faire un choix technologique ou un choix de modèle d'affaire ni même un choix
économique, mais bien faire un choix juridique qui dans le cadre de l'enseignement se
révèle un choix citoyen.
Non, Madame la Ministre, contrairement à ce que ces quelques intérêts privés veulent
faire croire, la formulation utilisée dans le projet de loi de refondation de l’école de la
République2 n'est ni neutre ni équilibrée. En effet, par cette formulation, ces lobbies
industriels ont réussi à légalement limiter le choix de l'école aux logiciels libres d'hier et Ã
empêcher le choix de ceux de demain, et de plus, empêchent par la même occasion les
étudiants de prendre connaissance du fonctionnement interne des logiciels qu'ils utilisent,
1 Voir le dossier « Modèles économiques liés aux logiciels libres » publié par l'AFUL Ã
l'adresse : http://aful.org/professionnels/modeles-economiques-logiciels-libres
2 « Dans le cadre de ce service public, la détermination du choix des ressources utilisées tient
compte de l’offre de logiciels libres et de documents au format ouvert, si elle existe. »
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accroissant encore l'illettrisme numérique et le conditionnement dans le choix des logiciels
dans leur vie future.
Non, Madame la Ministre, contrairement à ce que ces quelques intérêts privés veulent
faire croire, donner préférence au logiciel libre ne fait pas porter un risque accru de
contentieux juridique. Le Conseil d'État a définitivement tranché cette question dans son
arrêt du 30 septembre 20113. Et vos services pourraient lire avec bénéfice les conseils
d'achat préconisés en la matière par la Commission Européenne4.
Il faut savoir que ces acteurs de l'Industrie Numérique Éducative, bien que cachés
derrière d’honorables organisations, ne défendent pas l'intérêt général. Vous trouverez
parmi eux bien peu d'acteurs nationaux développant leurs produits en France, mais
surtout des champions de l'optimisation fiscale (dont certains sont réputés vendre les
données privées qu'ils collectent) ne produisant finalement que peu d'innovation par des
emplois français. C'est pourquoi, Madame la Ministre, nous trouvons vain le chantage Ã
l'emploi tenté par ces acteurs, notamment vis-à -vis des entreprises françaises du logiciel
libre qui, en croissance, innovantes et créatrices d'emploi, ont cependant plus que jamais
besoin de soutien, notamment par l’accès à la commande publique.
Pour terminer, Madame la Ministre, l'AFUL tient particulièrement à attirer votre attention
sur le financement de la recherche publique. En effet la lettre datée du 3 juillet signé par le
Syntec numérique et l'Afdel que vous avez reçus est également cosignée par l'INRIA. Ce
laboratoire est mondialement reconnu pour avoir fait avancer l'informatique par la mise Ã
disposition sous licence libre des résultats de sa recherche. L'INRIA est également un
acteur privilégié par les entreprises innovantes en logiciel libre pour le transfert
technologique ainsi que les partenariats de recherche commun. Ainsi, voir ce laboratoire
public cosignataire d'une lettre défendant des intérêts privés, nous fait nous interroger sur
la recherche publique et la réel e liberté des laboratoires de recherche public français, qui
peut-être, dépendent un peu trop des acteurs de l'industrie, notamment les plus gros, pour
leur fonctionnement et leur financement.
L'AFUL est depuis sa création proche de votre ministère et un dialogue permanent
existe. Ainsi soyez assurée, Madame la Ministre, de la bonne volonté de l'association de
travailler avec vous ou vos services.
Je vous prie d'agréer, Madame la Ministre, l'assurance de nos sincères salutations et de
notre entier dévouement.
Laurent Séguin
Président de l'AFUL
3 Conseil d'État, Lecture du vendredi 30 septembre 2011 : http://arianeinternet.conseil-
etat.fr/arianeinternet/getdoc.asp?id=192208&fonds=DCE&item=1
4 Guideline on public procurement of Open Source Software :
http://joinup.ec.europa.eu/sites/default/files/OSS-procurement-guideline%20-final.pdf
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